Marchant le long de la plage, les pas lents et la
silhouette chancelante, son esprit voyageait vers cet horizon lointain. Sans
savoir ni pourquoi ni comment, ses pensées le ramenaient incessamment à ses
premiers jours avec Olfa.
Loin des regards, à l’abri de ceux qui n’éprouvent du
plaisir qu’à gâcher celui des autres, il l’avait rejoint dans ce café distant mais
très accueillant. Elle le trouvait plus grand qu’elle ne l’imaginait, et lui la
trouvait plus jolie, mais ça ne les a pas empêché de se reconnaître dès le
premier regard.
Un doux frisson traversa leurs corps.
Deux petits baisés, et une infinité de mots échangés meublaient
cette première rencontre. Il s’est toujours trouvé incapable de saisir le sens
de ce qui était dit ce matin là. Ils
parlaient pour fuir le monde réel et échapper l’un à l’autre. Olfa évoquait son quotidien, ses
collègues de travail, ses soucis de
transport et ses problèmes avec sa mère. Elle avait vingt cinq ans, une année
de plus que lui. Dans la maison d’édition où elle travaillait, il n’y avait pas
beaucoup de choses à raconter. A part
les problèmes financiers de Lecteur Passionné
–l’éditeur-, rien ne valait la peine d’être raconter. Olfa y était comme correctrice
d’édition, et souvent elle allait au delà se permettant de donner son avis
critique sur un livre. Le boulot lui plaisait bien mais les ventes ne
reflétaient pas les ambitions du départ derrière la création du Lecteur
Passionné. Les ventes ne décollaient presque pas, et les subventions de l’état
ne suffisaient même pas à payer les frais d’entretien du local. Beaucoup de ses
collègues commençaient à fuir ce navire qui risquait de chavirer à n’importe
quel moment. Elle parlait avec une grande passion, elle décrivait son travail
comme celui dont elle a rêvé depuis son plus jeune âge. Parfois il sentait une
larme prête à tomber mais là elle s’arrêtait, détournait son regard et
commençait à balancer des banalités de son quotidien familial.
Lors de ce rendez vous il devait lui présenter une copie de son
ouvrage. C’était son premier roman, et il hésitait à confier ses papiers
imprimés la veille à cette inconnue. Une inconnue qui était son seule point de
contact avec le Lecteur Passionné. Son hésitation persistait malgré ce qu’elle disait
du bien de son ouvrage lui assurant que
l’idée du livre et les bouts de chapitres qu’il a envoyé au Lecteur Passionné
plaisaient bien à Mourad le fondateur et le directeur de la maison
d’édition.
Ce jour là, son manque d’expérience et les sourires
incessants d’Olfa le mettaient dans un état autre. Avec elle le monde de
l’édition paressait d’une simplicité déconcertante à condition que les gens se
remettent à lire. Elle y croyait profondément, elle voyait sans aucun moment
de doute le lendemain des livres avec
des centaines de maisons d’éditions. De tous ses mots, il ne garda que des
vagues souvenirs. Mais d’elle, de ses lèvres de ses mains, de son sourire et de
sa voix il se rappelle encore des moindres détails. C’était les premiers
battements de son cœur, c’était les premiers mots de leur histoire, c’était leur
premier jour et leur premier rêve ensemble.