samedi 1 juin 2013

Le poignard -1-

     Marchant le long de la plage, les pas lents et la silhouette chancelante, son esprit voyageait vers cet horizon lointain. Sans savoir ni pourquoi ni comment, ses pensées le ramenaient incessamment à ses premiers jours avec Olfa.

     Loin des regards, à l’abri de ceux qui n’éprouvent du plaisir qu’à gâcher celui des autres, il l’avait rejoint dans ce café distant mais très accueillant. Elle le trouvait plus grand qu’elle ne l’imaginait, et lui la trouvait plus jolie, mais ça ne les a pas empêché de se reconnaître dès le premier regard.

Un doux frisson traversa leurs corps.

Deux petits baisés, et une infinité de mots échangés meublaient cette première rencontre. Il s’est toujours trouvé incapable de saisir le sens de ce qui était dit ce matin là.  Ils parlaient pour fuir le monde réel et échapper l’un  à l’autre. Olfa évoquait son quotidien, ses collègues de  travail, ses soucis de transport et ses problèmes avec sa mère. Elle avait vingt cinq ans, une année de plus que lui. Dans la maison d’édition où elle travaillait, il n’y avait pas beaucoup de choses à raconter.  A part les problèmes financiers  de Lecteur Passionné –l’éditeur-, rien ne valait la peine d’être raconter. Olfa y était comme correctrice d’édition, et souvent elle allait au delà se permettant de donner son avis critique sur un livre. Le boulot lui plaisait bien mais les ventes ne reflétaient pas les ambitions du départ derrière la création du Lecteur Passionné. Les ventes ne décollaient presque pas, et les subventions de l’état ne suffisaient même pas à payer les frais d’entretien du local. Beaucoup de ses collègues commençaient à fuir ce navire qui risquait de chavirer à n’importe quel moment. Elle parlait avec une grande passion, elle décrivait son travail comme celui dont elle a rêvé depuis son plus jeune âge. Parfois il sentait une larme prête à tomber mais là elle s’arrêtait, détournait son regard et commençait à balancer des banalités de son quotidien familial.

     Lors de ce rendez vous il devait lui présenter une copie de son ouvrage. C’était son premier roman, et il hésitait à confier ses papiers imprimés la veille à cette inconnue. Une inconnue qui était son seule point de contact avec le Lecteur Passionné. Son hésitation persistait malgré ce qu’elle disait du bien de son ouvrage lui assurant  que l’idée du livre et les bouts de chapitres qu’il a envoyé au Lecteur Passionné plaisaient bien à Mourad le fondateur et le directeur de la maison d’édition.
 
     Ce jour là, son manque d’expérience et les sourires incessants d’Olfa le mettaient dans un état autre. Avec elle le monde de l’édition paressait d’une simplicité déconcertante à condition que les gens se remettent à lire. Elle y croyait profondément, elle voyait sans aucun moment de  doute le lendemain des livres avec des centaines de maisons d’éditions. De tous ses mots, il ne garda que des vagues souvenirs. Mais d’elle, de ses lèvres de ses mains, de son sourire et de sa voix il se rappelle encore des moindres détails. C’était les premiers battements de son cœur, c’était les premiers mots de leur histoire, c’était leur premier jour et leur premier rêve ensemble.